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Simuler l'impact du numérique et de l'IA sur le marché du travail

 

Le projet NumJobs a été créé en 2017 par Jean-Daniel Kant et Gérard Ballot. Depuis le 1er octobre 2018, il est le fruit d'une collaboration entre Sorbonne Université Sciences, l'Université Panthéon-Assas et Pôle Emploi.

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Pour résumer

Nous proposons avec l’outil multi-agents NumJobs de combiner un modèle détaillé du marché du travail couplé avec un modèle de dynamique d’innovation multi-firmes. Cet outil – unique au monde – simulera comment les innovations digitales (de produit et de procédé) apparaissent, comment elles impactent le travail en termes de compétences et de tâches nécessaires pour la production de ces innovations numériques, l’emploi (créations ou destructions de postes, recrutements, chômage, …) puis au niveau macroéconomique d'un secteur ou d'un pays.

Cet outil sera flexible et mettra l’accent sur la dynamique afin de prendre en compte :

  • l’évolution des innovations numériques ;
  • l’évolution des métiers, en modifiant les compétences demandées et les tâches associées aux emplois :
  • l’organisation des entreprises, leurs stratégies (d’innovation, de recrutement).

Il permettra pour la première fois d’intégrer et de rendre compte de la plupart des facteurs invoqués par les études sur l’impact de la numérisation et l’automatisation sur l’emploi :

  • dynamique des innovations, transformation du contenu des métiers, création des nouveaux emplois, adaptation des agents à la technologie ;
  • facteurs socio-démographiques (démographie, éducation), formation (rôle et impact) ;
  • microéconomie : offre et demande (dualité travail - consommation), production, plusieurs secteurs, organisation du travail ;
  • macroéconomie : effets de court-terme, bouclage à long terme ;
  • environnement : droit du travail, institutions, conjoncture économique.

Enjeux et objectifs

Les innovations numériques prennent une place de plus en plus importante dans nos économies et nos sociétés. Numérisation, automatisation, robotisation, essor de l’Intelligence Artificielle (IA), autant de mouvements et de facteurs qui constituent la révolution numérique, souvent fondée sur des innovations de rupture, au point que l’on évoque une quatrième révolution industrielle. Une révolution qui se déploie au delà de l’industrie pour toucher le secteur tertiaire, les services.

Les innovations prises dans leur ensemble entraînent en général à la fois des destructions d’emplois existants et des créations de nouveaux emplois, des créations et destructions d’entreprises. Les innovations de biens d’équipement et de consommation correspondant à de nouveaux secteurs, qualifiables d’innovations de rupture, suscitent elles-mêmes de nombreuses innovations (on parle d’une vague d’innovations) qui sont potentiellement des moteurs de création de richesse par diffusion de pouvoir d’achat aux autres secteurs de l’économie. Elles ont toutefois des effets destructeurs sur certains types d’emploi.

La question centrale que notre projet se propose d’aborder est de savoir si le numérique - et notamment l'IA - propose des innovations, du progrès technologique, comme pour les précédentes révolutions industrielles, c’est-à-dire avec essentiellement des effets de productivité, ou si le changement est plus profond pour le travail et donc l’emploi. Si création d’emplois il y a, s’agit-il de nouveaux métiers ? Et quels sont ceux qui seraient menacés de destruction ? Au delà de la question des créations ou destructions, cette révolution numérique va-t-elle modifier la nature du travail, les conditions de travail, la place du travail dans la vie des individus et la société ?

Pourquoi les études actuelles sont insuffisantes ?

Cette question fait l’objet d’un grand intérêt ces dernières années et plusieurs études ont cherché à mesurer l’impact du numérique sur l’emploi. La première est celle de Frey & Osborne (2013) qui estime que 47% des emplois au USA et 35% au Royaume Uni ont une probabilité élevée d’automatisation d’ici 20 ans. Appliquée au cas français, on obtient 42% d’emplois à risque (Roland Berger, 2014). Une étude de l’OCDE (Arntz et al., 2016) fondée sur une approche par tâches mais agrégée (pas de résultats au niveau individuel) considère le risque à 9% des emplois (pour les USA et en moyenne dans 21 pays de l’OCDE), tandis qu’une autre de France Stratégie (Le Ru, 2016) se fonde sur une enquête DARES sur les conditions de travail et estime le risque à 15%. Un rapport récent du COE (Conseil d’Orientation pour l’Emploi) fait la synthèse de ces études (COE, 2017) et propose sa propre étude en se basant sur l’enquête conditions de travail de la DARES, afin de travailler au niveau des conditions individuelles de travail, et s’intéresse également aux emplois susceptibles d’évoluer (pas seulement leur disparition). Leur conclusion pour la France est que 10% des emplois existants sont menacés (souvent des métiers peu ou pas qualifiés), et que la moitié de ces emplois est susceptible d’évoluer de manière importante.

Ces études mettent en l’évidence la difficulté du sujet. Selon la méthode, elles conduisent à des résultats assez différents, même si les dernières semblent converger vers un risque de disparition des emplois entre 9% et 15%, et 50% des emplois qui seraient concernés par des changements pouvant être profonds. Aucune de ces études ne donne l’impact sur le chômage. Concernant la possibilité d’évolution des emplois, le COE donne des résultats sur les métiers, mais pas sur leur contenu (tâches). Par ailleurs, les études sont statiques, en ce sens qu’elle ne sont pas capables d’étudier l’évolution de ces innovations. Enfin, ces études prennent compte essentiellement le point de vue des individus (conditions de travail) et pas celui des entreprises (notamment leur organisation, leur stratégie, les contraintes économiques, etc.).

Notre approche

Notre analyse est qu’il manque un outil permettant de modéliser et simuler l’impact des innovations numériques sur l’emploi et le travail. Cet outil permettra de :

  • Simuler l’impact d’une technologie sur le travail (organisation, tâches,…) et l’emploi (créations de nouveaux emplois, destructions, chômage,…)
  • Prendre en compte tous les éléments du marché du travail, avec ses 2 côtés : individus et entreprises
  • Prendre en compte tous les aspects économiques, grâce à un bouclage macroéconomique du marché du travail
  • Modéliser les processus d’innovation (de procédés et de produits), via une compétition entre les entreprises, afin de restituer la dynamique des innovations numériques, et mesurer l’évolution de leur impact dans le temps

Fort de notre d’expérience de plus de 10 ans dans le domaine de la simulation à l’aide de systèmes multi-agents appliquée au marché du travail et à l’innovation, nous pouvons maintenant proposer une méthode pour construire avec succès un tel outil. Nous proposons de baser cet outil sur 2 modèles éprouvés de simulation multi-agents que nous avons développés depuis plusieurs années :

  • WorkSim est un modèle multi-agents du marché du travail, créé par J.-D. Kant et G. Ballot, et appliqué à la France. Ces agents (individus et entreprises) prennent des décisions qui sont basées sur les analyses microéconomiques les plus récentes, mais en tenant compte du fait que leur rationalité est limitée dans un monde complexe . Par exemple la décision pour une entreprise de créer ou non un nouveau poste, en CDD ou en CDI, suivant la demande ; ou la décision pour un chômeur de postuler ou non à une offre d’emploi, ou de quitter le marché du travail. WorkSim est à l’échelle de 1/2300ème et calibré sur plus d’une centaine de données réelles (venant de l’INSEE, de la DARES, etc.) Il reproduit les faits stylisés importants du marché du travail français et fait l’objet de plusieurs publications dans des revues scientifiques internationales (e.g. Goudet et al., 2016). Il nous a déjà permis de réaliser la première évaluation quantitative ex-ante de la récente loi travail « El Khomri » et de plusieurs autres politiques du marché du travail (allègement de charges, contrat de génération, etc.).
  • SIMECO 2, un modèle multi-agents de croissance endogène avec des firmes multiples en compétition pour étudier la dynamique d’innovation en nouveaux biens de consommation et en qualité pour chacun de ces nouveaux biens (permettant des activités qui n’existaient pas, et avec des innovations de procédé associées), développé par G. Ballot et T. Huynh (e.g. Ballot & Huynh, 2016). Certains biens peuvent disparaitre cependant du fait de la contrainte de budget des consommateurs qui préfèrent les activités nouvelles. Les qualités élevées éliminent des qualités faibles quand le niveau de vie augmente de manière endogène, les travailleurs-consommateurs étant aussi représentés individuellement. Le modèle de production repose sur un triplet: compétences (pour la R&D, pour produire), tâches (organisation du travail) et alliances en R&D entre entreprises, qui sont une source de diffusion et d’accumulation des compétences.

 

Contact

Jean-Daniel KANT

Email (cliquer pour envoyer): Jean-Daniel[dot]Kant[at]lip6.fr

Tél: 06 87 67 26 78

Sorbonne Université - Sciences
LIP6 (Laboratoire Informatique de Paris 6)
DESIR / SMA
4, place Jussieu
75005 Paris